jeudi 17 février 2011

Je ne serai pas de cette croisade

Je suis désolé, monsieur le maire de Saguenay, mais je ne serai pas de votre croisade. Je ne compte pas mettre une "cenne noire" pour appuyer votre contestation du jugement du Tribunal des droits de la personne.

À n'en croire certains de vos supporteurs, monsieur Alain Simoneau et le Mouvement laïque québécois auraient lancé contre les "valeurs québécoises"" une campagne digne de la Russie stalinienne. À vous entendre, ces gens se préparent à mettre le feu aux églises et à détruire l'ensemble du patrimoine religieux du Québec, en commençant par nos croix de chemin.

Je caricature. Oui, mais à peine.

Je tiens à vous préciser que je ne suis pas athée, mais un catholique sincère et convaincu. Et pourtant, je ne partage pas votre manière de voir.

Le jugement du Tribunal des droits de la personne ne vise qu'une chose : faire respecter la neutralité de l'État, la séparation de l'Église et de l'État.

"Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu"

Une de vos obligations comme premier magistrat de la ville est de faire respecter cette neutralité. Et le corolaire de cette obligation est votre devoir de protéger la liberté de conscience et de religion de vos concitoyens.

Bien au contraire, vous vous entêtez à imposer votre croyance à ceux et celles qui participent aux séances municipales. Il faut dire que le mauvais exemple vient de haut : de l'Assemblée nationale où une très grande majorité de députés n'ont pas le courage d'y enlever le crucifix que Maurice Duplessis y a accroché en 1936. Cette "belle époque" où le ciel était bleue et où l'enfer était rouge.

Les symboles religieux, chrétiens ou autres, n'ont pas leur place dans les institutions publiques; pas plus que les pratiques religieuses. Mais il importe ici de faire une distinction fondamentale : l'espace publique est une réalité différente. Les croix de chemin et les clochers de nos églises ont encore droit de cité dans notre société. Mais avec l'arrivée de nombreux immigrants, il ne faudrait, ni s'étonner, ni s'offusquer de voir apparaître en certains lieux des étoiles de David, des mosquées et des synagogues.

Il ne faudrait pas non plus s'étonner de constater que tous nos concitoyens ne sont pas croyants. Et que lorsqu'ils sont croyants, ils ne le sont pas de la même façon, ni de la même confession. Tous les musulmans ne sont pas intégristes. Tous les chrétiens ne sont pas fondamentalistes.

Même constat pour les symboles religieux que des croyants portent sur eux. Aucune raison de les interdire, du moins dans la limite de certaines lois ou règlements. Ainsi ces quatre sikhs qui se sont présentés à l'Assemblée nationale affublés de leur kirpan se sont vu refuser l'entrée. À chaque fois que je me suis présenté à l'Assemblée nationale, j'ai dû me séparer temporairement du petit canif : une simple question de sécurité, comme dans les avions d'ailleurs.

Par contre, lors de la motion votée par l'Assemblé nationale à la suite de ces événements, je trouve que nos députés n'ont pas fait preuve d'un grand discernement :

Que l'Assemblée nationale appuie sans réserve la décision prise par sa Direction de la sécurité à l'effet d'interdire le port du kirpan lors des consultations portant sur le projet de loi no 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements, appliquant ainsi le principe de neutralité de l'État.

En faisant référence à la neutralité de l'État, il faudrait également en toute logique interdire le port de tout signe religieux par une personne : une petite croix autour du cou, la kippa des juifs orthodoxes, le foulard islamique, etc.

L'État doit être neutre, pas les individus qui la composent. Que l'on interdise le port du kirpan pour des raisons de sécurité est une chose. Que ce soit pour des motifs religieux, je crois que nos députés ont manqué de discernement.

Bref, monsieur le maire, si on vous empêchait de porter sur vous un symbole religieux ou de faire pour vous même une prière avant la séance du conseil, je me battrais à vos côtés pour faire respecter votre liberté de conscience et de religion. Mais ne comptez pas sur moi dans votre croisade pour imposer de force vos croyances dans l'enceinte du conseil municipal.

PS. Le kirpan est une arme symbolique portée par les Sikhs orthodoxes pour rappeler le besoin de lutter contre l'oppression et l'injustice.

1 commentaire:

  1. Excellent billet; je partage vos valeurs.

    Je ne suis pas moi-même un "ennemi" de la Foi; bien au contraire, j'ai longtemps appartenu à la mouvance catholique militante. Mais l'Église et l'État, ça ne fait pas très bon ménage... surtout au moment où la société civile éclate dans toutes les directions, suite à l'arrivée massive de Néo-Québécois.

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